6 et 7 octobre : aux Philippines, 120 000 pas, 81 km, Manille et Lucena

“Plus nous allons de l’avant dans notre aventure, moins j’ai de mots…et plus j’ai du mal Ă  vous raconter. Et pourtant, je dois les retranscrire ces Ă©motions si fortes que nous vivons dĂ©jĂ , pour me sentir en lien avec vous…

Notre accueil à Manille est tout simplement incroyable. Dès notre arrivée à l’aéroport, un magnifique comité d’accueil nous attend à bras ouverts. Nous montons dans un bus qui nous a été réservé et nous sommes escortés par des motards et des véhicules de la police de Manille pour nous ouvrir le passage. Nos drapeaux et banderoles de la Marche mondiale flottent fièrement aux fenêtres. Nous arrivons dans une petite pension, accueillie par le chef de la police de Manille en personne. Nous progressons dans le confort de nos couchers: nous dormons 2 par chambre. Cela change des derniers jours où nous étions 17 personnes à dormir dans la même pièce!

Le lendemain matin, nous sommes reçus en fanfare, c’est le cas de le dire, par la municipalité de Manille en la personne de son maire. Un à un, les officiels nous passent un collier de coquillages autour du cou. Remise officielle par le Maire des clés de la Ville à Rafael de la Rubia en signe d’adhésion à la Marche mondiale. La délégation de marcheurs et les autorités déposent une couronne au nom de la paix et de la non-violence au pied d’un monument pour la paix.

A 10 heures, nous sommes attendus dans une université où un spectacle a été organisé à notre attention. Et quelle spectacle! Des danses folkloriques philippines d’une grande beauté. Des centaines d’étudiants en uniforme, surmontés d’une ombrelle, écoutent nos témoignages et nos discours avec gentillesse. Nous déjeunons en présence de la directrice de l’école que nous quittons à 13h pour nous rendre au point de départ de la marche pour la paix au centre de Manille. Plus de 1000 écoliers nous accueillent à grand renfort de pancartes et de banderoles. Le plus époustouflant, c’est la participation d’une cinquantaine militaires désarmés (c’est le cas de le dire!) vêtus d’un T-shirt portant le logo de la Marche mondiale et une banderole sur laquelle était rédigé « L’armée soutient la marche mondiale pour la paix »! Incroyable mais vrai! (cf vidéo de mon cameraman préféré, Alvaro). C’est très émouvant.

Nous marchons quelques kilomètres, toujours escortés par la police qui facilite nos déplacement en plein cœur de la capitale. La marche nous conduit dans un vaste centre sportif où la foule est conviée à  à un show multiculturel en l’honneur de la Marche mondiale. Le stade est comble et les cris de joie des jeunes étudiants fusent de partout. Entre techno et danses traditionnelles, le public est en délire. Nous aussi! Le plus beau? Notre groupe danse avec des membres de l’armée philippine, des grands-mères aux formes généreuses et en tenue traditionnelle et le public de jeunes écoliers avec qui nous exécutons la fameuse « vague » en levant les bras dans les gradins, dans le mouvement d’une onde. Nous vivons un moment d’une spontanéité totale, un moment d’une intensité, d’une fraternité rare. Puis nous sommes invités à monter sur la scène et à nous présenter un à un. Les hurlements du jeune public valent bien ceux de supporters de la Juventus de Milan! Cela nous touche comme cela nous trouble un peu. Nous ne sommes pas habitués à recevoir le traitement de rock stars!

Déjà cette première journée était un cadeau. Et nous ne nous attendions pas du tout que celle du lendemain nous réserverait la plus inoubliable surprise qui soit… à Lucena, dans le sud des Philippines.
Nous nous étions levés à 3h30 du matin. L’humeur encore embrumée, nous sommes montés de mauvais gré dans nos mini-bus. Bon sang, pourquoi nous faire lever si tôt? Nous suivions ce régime depuis 10 jours et nous manquions cruellement de sommeil…
Ce soir, à l’instant où j’écris ces lignes, je fais le serment de ne plus ronchonner en prévision d’une journée dont je ne connais encore rien. Car celle du 7 octobre 2010, pour moi, pour nous, était un miracle. J’ai tout simplement vécu un état de grâce d’une heure au moins…. C’est quoi un état de grâce? C’est un moment de communion avec 12′000 enfants et adolescents de la ville de Lucena (sud des Philippines) qui ont réalisé le plus grand symbole humain de paix au monde dans un stade olympique! Malgré les typhons et les catastrophes naturelles qui avait fait de cette région une zone sinistrée, ils avaient répété depuis une semaine la minutieuse et délicate procédure pour réaliser ce célèbre symbole de la paix.

Toute notre équipe était émue aux larmes et l’énergie d’amour et d’espoir était d’une telle intensité que mon coeur battait comme le pendule d’un coucou suisse.

Nous avons d’abord entrepris une marche de plusieurs kilomètres avec des citoyens de la ville de Lucena, patiemment comptabilisés par Gérard, notre bien-aimé cocher-photographe from France. Tandis qu’il avait fièrement répertorié 700 marcheurs dans la colonne, il s’est trouvé fort dépourvu lorsque nous sommes rentrés dans le stade, nez-à-nez avec 11′000 personnes brandissant des millions de petits fanons oranges!!

Je n’ai jamais vĂ©cu un moment aussi fort de ma vie. Je filmais en pleurant Ă  chaudes larmes. Puis nous avons Ă©tĂ© plusieurs Ă  prendre le micro.  Je me suis adressĂ©e Ă  ce public plein de fougue, de fraĂ®cheur et de jeunesse pour leur dire que « ce sont de tels moments qui transforment l’énergie de l’humanitĂ© et que leur action allume une chandelle de plus sur la terre ». Puis nous sommes descendus allumer la flamme de la paix avant de prendre un bain de foule comme jamais! Des  enfants par millier sont venus nous demander d’être photographiĂ©s Ă  leur cĂ´tĂ© et nous ont offert des centaines de fanions dont ne nous savions plus que faire! Les organisateurs philippins, membres du mouvement humaniste, ont travaillĂ© depuis 1 an et demi Ă  recevoir la dĂ©lĂ©gation de la Marche mondiale ici. Car outre cet immense symbole pour la paix, nous avons Ă©galement Ă©tĂ© reçus en fanfare par le Maire de Manille qui nous a remis les clĂ©s de la Ville et par l’universitĂ© de la ville oĂą un spectacle folklorique avait Ă©tĂ© conçu en notre honneur. Trois jours de folie, de pure beautĂ© et de rĂ©ussite totale pour la Marche Mondiale. « Notre action a fait un saut de gĂ©ant ici » a confiĂ© hier soir Rafa de la Rubia, notre « boss », au cours de notre rĂ©union quotidienne. Lui-mĂŞme avait rencontrĂ© des parlementaires dans la journĂ©e et plusieurs accords ont Ă©tĂ© signĂ©s Ă  un niveau politique pour entreprendre une campagne intitulĂ©e « zĂ©ro violence » dans les provinces les plus sensibles des Philippines encore en proie aux tensions et Ă  diverses formes de violences. Notre travail se concrĂ©tise de jour en jour et je me sens humble devant l’engagement infaillible de mes frères  humains de part et d’autre de la planète.”

Isabelle Bourgeois